Acupuncture & Oncologie : L'après-midi de la conférence du 3 juillet 2025 au CHU d’Amiens
- Aziz Ben Guébila
- 4 août
- 4 min de lecture
Après une matinée marquée par des échanges autour de la sexualité, de l’addiction, de la nutrition et des greffes, la conférence sur l’acupuncture médicale en oncologie a repris l’après-midi avec une nouvelle table ronde, centrée sur des problématiques tout aussi cruciales : la fatigue, la santé mentale, les douleurs neuropathiques et l’autonomie du patient.
Modérée par le Dr Henri FENOGLIO, médecin généraliste acupuncteur, ostéopathe, et enseignant à la Capacité d’acupuncture médicale de l’Université Sorbonne Paris Nord, cette deuxième partie a mis en lumière la façon dont les thérapies non médicamenteuses (TNM) peuvent enrichir le parcours de soin en oncologie.
Fatigue et cancer : comprendre et soulager
Par le Dr Tâm Nhan, médecin généraliste acupuncteur (Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris)
Le Dr Tâm Nhan a ouvert cette table ronde en abordant un symptôme universel mais souvent sous-estimé : la fatigue liée au cancer. Il a rappelé que cette fatigue n’a rien à voir avec une simple lassitude : elle est chronique, envahissante, souvent disproportionnée par rapport à l’effort fourni. Elle affecte profondément la vie quotidienne des patients, leur moral, leur autonomie, et même l’efficacité des traitements lorsqu’elle conduit à des interruptions thérapeutiques.
L’acupuncture, dans ce contexte, s’est révélée particulièrement pertinente. En agissant sur l’énergie vitale du corps selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise, elle permet une stimulation douce mais profonde de la vitalité, favorisant la récupération et améliorant la sensation de bien-être général.
Annonce du cancer et santé mentale : un choc invisible
Par la Dr Viorica Celacu, psychiatre (EPSM de la Somme, Amiens)
Le diagnostic de cancer agit comme un séisme intérieur. C’est ce qu’a décrit avec finesse et compassion la Dr Viorica Celacu, psychiatre hospitalière spécialisée en santé mentale.
Elle a évoqué les mécanismes psychologiques qui se déclenchent lors de l’annonce : sidération, angoisse, perte de repères, troubles du sommeil, voire épisodes dépressifs. Elle a insisté sur l’importance de ne pas laisser les patients seuls face à ces bouleversements.
L'acupuncture trouve ici toute sa place en tant qu'outil complémentaire. Elle contribue à réduire le stress, à réguler les émotions et à restaurer un certain équilibre psychique. Intégrée au suivi psychiatrique ou psychologique, elle constitue un levier de soutien mental puissant, non médicamenteux et bien accepté par les patients.
Douleurs neuropathiques : une souffrance silencieuse
Par le Pr Emmanuelle Kempf, oncologue médical (GHU Mondor, Créteil)
Les douleurs neuropathiques représentent l’un des défis les plus complexes de la prise en charge en oncologie. Le Pr Emmanuelle Kempf a détaillé les causes de ces douleurs, souvent liées aux chimiothérapies, à la radiothérapie ou aux atteintes nerveuses provoquées par la tumeur elle-même.
Ces douleurs sont difficiles à soulager avec les traitements classiques, et peuvent s’accompagner de sensations de brûlures, de picotements, de décharges électriques, altérant fortement la qualité de vie.
L’apport de l’acupuncture est ici documenté par plusieurs études. En stimulant certains points spécifiques, elle peut moduler la transmission nerveuse et atténuer significativement l’intensité des douleurs, tout en limitant le recours aux antalgiques lourds.
Préserver l’autonomie en prévention des douleurs articulaires et viscérales
Par le Dr Eléna Gyori, médecin de la douleur et anesthésiste (HEGP, Paris)
La dernière intervention de la journée a été assurée par le Dr Eléna Gyori, spécialisée dans la douleur chronique. Elle a évoqué la nécessité, trop souvent négligée, de préserver l’autonomie des patients pendant et après les traitements anticancéreux.
Elle a souligné combien les douleurs articulaires et viscérales — liées aux traitements ou à la progression de la maladie — peuvent entraîner une perte de mobilité, un isolement progressif, et une détérioration de l’état général.
L’objectif, selon elle, est de miser sur la prévention autant que sur le soulagement. L’acupuncture, couplée à des techniques de relaxation, d’ostéopathie ou d’activités physiques adaptées, permet de réduire l’impact de ces douleurs sur le quotidien et de redonner au patient une part de maîtrise sur son corps.
Questions/Réponses avec les intervenants et le public
La table ronde s’est clôturée par un temps d’échange ouvert avec le public, durant lequel plusieurs patients, aidants et professionnels ont pu poser des questions aux intervenants.
Les réponses des médecins ont permis de clarifier les indications, les limites et les bénéfices de l’acupuncture, tout en insistant sur l’importance de l’interdisciplinarité et de la coordination entre médecins généralistes, oncologues, spécialistes de la douleur et acupuncteurs.
Ce temps d’échange a surtout confirmé l’attente forte des patients pour une médecine plus globale, à l’écoute de leurs ressentis et ouverte à des approches complémentaires fondées sur des preuves.
Conclusion
Cette seconde partie de conférence a confirmé que l’acupuncture médicale a toute sa place dans les soins de support en oncologie. Elle offre une réponse douce, personnalisée et intégrative aux effets secondaires les plus lourds, tout en redonnant au patient une sensation d’unité entre le corps et l’esprit.
Avec cette journée, le CHU d’Amiens et les nombreux intervenants ont affirmé leur volonté de construire une cancérologie plus humaine, où la qualité de vie n’est pas un luxe, mais une condition indispensable de la guérison.
